Parution des ouvrages « Les droits de l’homme à l’épreuve du local » (trois tomes)

Fruits de la recherche GLOCAL financée par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), les ouvrages collectifs Les droits de l’homme à l’épreuve du local (sous la dir. de Catherine Le Bris) ont été publiés chez Mare et Martin en février 2021.

Résumé des ouvrages:

«  Où,  après  tout,  commencent  les  droits  de  l’homme  ?  »,  s’interrogeait  Eleanor Roosevelt. Et elle répondait : « Dans les petites collectivités, près de  chez  soi,  en  des  lieux  si  proches  et  si  petits  qu’on  ne  peut  les  voir  sur  aucune carte du monde ». C’est de ce constat que partent les trois tomes Les Droits de l’homme à l’épreuve du local : leur but est de se pencher sur l’expérience quotidienne de ces droits. C’est, en effet, dans sa ville, dans son lieu de vie, que chaque femme, chaque homme, chaque enfant aspire à leur protection.

Le contexte de décentralisation et de mondialisation pousse à s’interroger sur  les  responsabilités  des  collectivités  territoriales  dans  ce  domaine  :  quel rôle les communes, les départements et les régions sont-ils appelés à jouer  en  matière  de  droits  de  l’homme  ?  Ces  droits,  protégés  par  le  droit  international,  avec  l’universel  en  perspective,  sont-ils  l’affaire  exclusive  de  l’État central ? Qu’en est-il en France plus particulièrement ? Les autorités locales ont-elles conscience des obligations qui leur incombe ? Et quels sont les moyens mis en œuvre pour les mener à bien ?

C’est à ces questions que, pendant quatre ans, des juristes et des sociologues se sont employés à répondre. L’approche  est  interdisciplinaire  ;  elle  est  aussi  multiniveau  puisqu’elle s’inscrit dans une perspective global/local.

Le tome 1, intitulé Les fondements. La confluence de l’universel et du particulier, est consacré aux enjeux et implications de la protection locale des droits de l’homme. Une enquête a été menée auprès des élus locaux français de manière à identifier la représentation qu’ils se font de ces droits et leurs pratiques dans ce domaine : les résultats y sont présentés. Les responsabilités des collectivités territoriales en matière de droits de l’homme en vertu du droit international et français y sont précisées ; de même que leur limite. L’objectif  est ici d’examiner la place, souvent ambiguë, réservée aux droits de l’homme au niveau local, que les collectivités territoriales agissent sur leur propre territoire ou à l’international. La question des moyens, en particulier financiers, des collectivités y est aussi examinée.

Le tome 2, intitulé La praxis. Agis en ton lieu, pense avec le monde, examine comment les droits et libertés consacrés dans la Charte internationale des droits de l’homme sont pris en compte au niveau local, au sein des collectivités territoriales françaises.  L’analyse  est  menée  droit  par  droit.  Tant  les  droits  civils  et  politiques  (droit  à  la  sûreté,  liberté  de  religion,  droit  à  la  protection  des  données  personnelles)  que  les  droits  économiques,  sociaux  et  culturels  (droit  à  un  niveau  de  vie suffisant, à la santé, à l’eau, à la culture) sont étudiés. L’accent est mis tout particulièrement sur le droit au logement. De plus, l’ouvrage s’intéresse à la protection ciblée de certaines catégories de personnes, en particulier, les étrangers, les victimes de la traite ou encore les détenus.

Le tome 3, intitulé La non-discrimination. L’égale dignité près de chez soi, est consacré à la règle d’or des droits de l’homme : la non-discrimination. En effet, du principe d’égale dignité découlent des responsabilités pour les collectivités territoriales. Cet ouvrage s’intéresse tant aux discriminations liées à l’origine, à la « race », à la religion ou au handicap que celles à raison de la précarité sociale ou du lieu de résidence. L’accent  est  mis  tout  spécialement  sur  l’égalité  entre  les  femmes  et  les  hommes  dans  la  vie  locale.  Les  «  dilemmes  »  auxquels les élus locaux sont confrontés dans ce domaine font l’objet d’une attention particulière.

Sommaire des ouvrages:

Tome 1 : Les droits de l’homme à l’épreuve du local
Les fondements. La confluence de l’universel et du particulier

C. Le Bris | Les droits de l’homme à l’épreuve du local. Introduction générale

G. Frigoli | Lorsque la sociologie est mise au service du droit : une étude de cas dans le domaine des droits de l’homme

P.-Éd. Weill | Les résultats de l’enquête GLOCAL : les représentations et pratiques des élus locaux français en matière de droits de l’homme

P. Belda | Droits de l’homme et administrations locales : regard rétrospectif

Chr. Chabrot | Droits de l’homme et collectivités territoriales dans la Constitution

M. Houser | Droits de l’homme et égalité financière des collectivités territoriales

Y. Viltard | Droits de l’homme et action internationale des collectivités territoriales

I. Cadet | Droits de l’homme et responsabilité sociétale des organisations au sein des collectivités territoriales

A. Lejeune | Droits de l’homme et accès au droit au niveau local

D. Löhrer | Droits de l’homme et collectivités territoriales devant le Défenseur des droits

V. Donier | Droits de l’homme et collectivités territoriales devant le juge administratif

Tome 2 : Les droits de l’homme à l’épreuve du local
La praxis. Agis en ton lieu, pense avec le monde

L. Garrido | Le droit à la sûreté et les collectivités territoriales françaises

Cl. Benelbaz | La liberté de religion, la laïcité et les collectivités territoriales françaises

N. Ochoa | Le droit à la protection des données personnelles et les collectivités territoriales françaises

H. Alcaraz | Le droit à la santé et les collectivités territoriales françaises

H. Rihal | Le droit à un niveau de vie suffisant et les collectivités territoriales françaises

B. Drobenko | Le droit à l’eau et les collectivités territoriales françaises

Chr. Pierucci | Le financement du droit à la culture et les collectivités territoriales françaises

C. Le Bris | La protection internationale du droit au logement et les collectivités territoriales

P. Belda | Aux prémices d’un droit au logement au niveau local en France

É. Sales | Le droit au logement et les collectivités territoriales dans la jurisprudence constitutionnelle française

Chr. Pierucci | La contribution financière des collectivités territoriales françaises à la réalisation du droit au logement

P.-Éd. Weill | Les difficultés de mise en œuvre localisées du droit au logement opposable (DALO) en France

H. Alcaraz | La contribution des collectivités territoriales françaises à la protection des droits des étrangers

B. Lavaud-Legendre | La contribution des collectivités territoriales françaises à la protection des victimes de la traite des êtres humains

Chr. Pauti | La contribution des collectivités territoriales françaises à la protection des droits des personnes nomades

I. Fouchard | La contribution des collectivités territoriales françaises à la protection des droits des personnes détenues

Tome 3 : Les droits de l’homme à l’épreuve du local.
La non-discrimination. l’égale dignité près de chez soi

C. Le Bris | La protection internationale contre les discriminations et les collectivités territoriales

T. Rombauts-Chabrol | La non-discrimination et l’intérêt public local en France

M. Houser | Le financement de la lutte contre les discriminations par les collectivités territoriales françaises

J. Fialaire | La non-discrimination à raison de l’origine et la fonction publique territoriale française

G. Frigoli | La lutte contre les discriminations ethno-raciales à l’échelon local en France. Sociologie d’un « bruit de fond »

Chr. Pauti | La non-discrimination à raison de la religion et les collectivités territoriales françaises

S. Monnier | La non-discrimination à raison du handicap et les collectivités territoriales françaises

A. Flamant | Les « Handi-Pacte » dans la fonction publique territoriale française. À propos de la liaison entre emploi, handicap et non-discrimination au niveau local

V. Donier | La lutte contre les discriminations à raison de la précarité sociale au sein des collectivités territoriales françaises

Gw. Perrier | L’institutionnalisation des politiques d’égalité des sexes au sein des collectivités territoriales françaises. Données de cadrage et contexte

P.-Éd. Weill & C. Le Bris | La charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Regards croisés

Th. Kirszbaum | La discrimination territoriale comme catégorie juridique. Une reconnaissance ambiguë

J. Saiseau | Les plans territoriaux de prévention et de lutte contre les discriminations

E. Bogalska-Martin | Les dilemmes des collectivités territoriales engagées dans la lutte contre les discriminations

M. Delmas-Marty | Propos conclusifs aux Droits de l’homme à l’épreuve du local (I), (II), (III) : Pour une mondialité apaisée

Administrations locales et droits humains : l’étude GLOCAL, sous la direction de Catherine LE BRIS, citée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme

L’étude GLOCAL (Droits de l’homme et collectivités territoriales : entre le Global et le local »), dirigée par Catherine Le Bris (chercheuse CNRS)et financée par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), a été prise en compte par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme dans le cadre de ses travaux sur les administrations locales et les droits humains.

Pour en savoir plus sur la question, vous pouvez consulter les liens suivants : https://www.ohchr.org/Documents/Issues/LocalGvt/NGOs/CatherineLeBris.pdf
https://www.ohchr.org/EN/Issues/LocalGovernment/Pages/Index.aspx

La Chine peut-elle être poursuivie pour sa gestion de la crise du Covid-19 ?

Article publié dans Slate le 5 mai 2020

Les chances d’aboutir des différents recours qui ont été entrepris ou qui pourraient l’être sont particulièrement minces, qu’il s’agisse des actions engagées par des particuliers ou des États.

Depuis plusieurs semaines, des voix s’élèvent pour mettre en cause la responsabilité juridique de la Chine dans la propagation de l’épidémie. Début avril, en Grande-Bretagne, la Henry Jackson Society, think tank conservateur, publiait un rapport évaluant à plus de 3.500 milliards d’euros les dommages que ce pays aurait causés par son manque de transparence dans la gestion de la crise sanitaire; la Chine a violé le droit international, selon l’organisation, et doit donc désormais réparer.

Aux États-Unis, alors que le président Trump se réfère de manière rhétorique au «virus chinois», le Missouri a franchi le pas en saisissant un tribunal civil: il demande à Pékin une indemnisation pour compenser les pertes économiques qu’il a subies depuis le début de la pandémie. La Chine a dissimulé la dangerosité de ce virus, de l’avis du procureur général du Missouri (républicain) Eric Schmitt; elle a fait preuve de négligence et ainsi favorisé la contagion du Covid-19. Elle a aussi aggravé la crise en thésaurisant les masques et les autres équipements médicaux nécessaires pour y faire face.

La suite de cet article est disponible gratuitement sur le site Slate.fr. Vous pouvez le consulter au lien suivant: http://www.slate.fr/story/190284/covid-19-pandemie-poursuites-justice-chine-gestion-crise-droit-international

Coronavirus : Pourquoi il sera difficile de faire condamner la Chine

Entretien avec Hélène Gully du journal Les Echos. Article du 5 mai 2020.

Quelles procédures ont été lancées ?
Une forme de procédure a été privilégiée jusqu’ici, à savoir le dépôt de plainte devant un tribunal national. Des actions de groupe ont par exemple été organisées dans plusieurs Etats, comme en Floride, au Nevada, au Texas mais aussi au Nigeria. L’Etat du Missouri a lui-même porté plainte en tant qu’Etat.

La suite de cet article est disponible en ligne sur le site du journal Les Echos au lien suivant : https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/coronavirus-pourquoi-il-sera-difficile-de-faire-condamner-la-chine-1200631

Coronavirus, drones, traçage numérique et libertés : « Des limites posées »

Entretien du 29 mars 2020 avec Jefferson Desport du journal Sud Ouest:

Sur l’état d’urgence sanitaire, « des limites ont été posées. En particulier en termes de temps. Ainsi, dès que la situation sanitaire le permettra, ces mesures devront prendre fin ».

La suite de cet entretien est disponible en ligne sur le site du journal Sud Ouest: https://www.sudouest.fr/2020/03/29/pour-l-etat-d-urgence-le-terme-liberticide-n-est-pas-approprie-7372100-10142.php

La sauvegarde des libertés en temps de « guerre » contre le Coronavirus

Article du 27 mars 2020 publié sur le site de The Conversation.

S’asseoir sur un banc dans un parc, rêver en regardant la mer sur la plage, dîner avec sa famille, ses amis, sortir faire ses emplettes, courir et respirer à pleins poumons… Être libre.

À vivre chaque jour ces libertés, peut-être en avait-on oublié leur caractère précieux. À les considérer comme acquises, peut-être avait-on occulté, aussi, qu’elles ne sont pas absolues. Aujourd’hui confinés, munis de nos attestations de sortie, nous expérimentons, ce que nombre d’entre nous, nés en temps de paix, dans un État de droit, n’avions encore que peu connu : les limites aux libertés.

Les droits de l’homme permettent à l’individu de se définir et d’agir en toute indépendance, d’être autonome au sein du groupe dont il fait partie. Pour autant, l’individu n’est pas placé hors du groupe : c’est seulement dans le cadre de la « communauté » que « le libre et plein développement de sa personnalité est possible ». C’est pourquoi l’individu doit exercer ses libertés dans le respect des droits d’autrui, en particulier des plus vulnérables, et de manière à « satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ». L’État, lui-même, peut – voire, doit, dans certains cas – limiter les libertés individuelles, quand les circonstances l’imposent, en particulier pour des raisons sanitaires.

Ceci explique que même si chacun a, en principe, le droit de circuler librement, l’État a la possibilité de restreindre ou prohiber les déplacements pour éviter la propagation d’une épidémie telle que le coronavirus. C’est dans cet esprit que la France a adopté le décret du 16 mars 2020 (puis ceux des 19 et 23 mars) qui interdit à toute personne la sortie du domicile sauf exception.

La suite de cet article est disponible en ligne, gratuitement, sur le site de The Conversation. Vous pouvez le consulter au lien suivant: https://theconversation.com/la-sauvegarde-des-libertes-en-temps-de-guerre-contre-le-coronavirus-134913

Éclairage juridique sur l’affaire Carlos Ghosn

Le Liban doit-il extrader Carlos Ghosn ? Cet Etat peut-il le juger ? Quelle est la portée des notices rouges ?
Pour plus d’informations sur ces questions,vous pouvez retrouver mes analyses dans les deux articles suivants :

– « Carlos Ghosn : une évasion et trois scénarios juridiques », La Croix le 1er décembre 2020.

– « Carlos Ghosn : quelles suites judiciaires pour l’ex-dirigeant de Renault-Nissan ? », L’Express le 31 décembre 2019.

Catherine Le Bris
Chercheuse au CNRS
Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne

Est-il vrai qu’une plainte à la CPI visant Macron pour crime contre l’humanité a été jugée recevable ?

« Est-il vrai qu’une plainte à la CPI visant Macron pour crime contre l’humanité a été jugée recevable ? », Article de Vincent Coquaz issu d’un entretien avec Catherine Le Bris, paru à Libération le 1er décembre 2019 (en ligne):https://www.liberation.fr/checknews/2019/12/01/est-il-vrai-qu-une-plainte-a-la-cpi-visant-macron-pour-crime-contre-l-humanite-a-ete-jugee-recevable_1766330

Déclaration universelle des droits de l’humanité de 2015 : le devoir de préservation des équilibres écologiques et du patrimoine de l’humanité

Pour citer cet article : Catherine Le Bris,« Le devoir des générations présentes envers les générations futures en matière de patrimoine et d’équilibre écologique (article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’humanité) » in La Déclaration universelle des droits de l’humanité : commentaire article par article, sous la dir. de Christian Huglo et Fabrice Picod, préface de Corinne Lepage, Bruxelles, Bruylant, 2018, p. 97 à 102.

Catherine Le Bris est chercheuse au CNRS (Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Elle a été membre du Comité d’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’humanité sous la direction de Corinne Lepage.

Longtemps, le droit international a mis l’accent sur les droits des Etats sur le patrimoine et les biens communs : l’objectif était le partage des ressources qui se devait d’être équitable, avec en toile de fond, l’objectif du développement économique. En revanche, les devoirs des Etats, et a fortiori des autres sujets ou acteurs, étaient largement laissés dans l’ombre. L’intérêt de l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’humanité est de les mettre en lumière et de les inscrire dans une perspective intertemporelle.
Dans cet article, les « générations présentes » sont désignées comme les débitrices des devoirs qui y sont posés. La notion pouvant sembler quelque peu éthérée, elle est définie dès le préambule de la Déclaration : sont ainsi visés, plus spécifiquement et de manière non exhaustive, les Etats, mais aussi les peuples, les organisations intergouvernementales, les entreprises, les organisations non gouvernementales, les autorités locales et les individus. La diversité des débiteurs explique que dans la Déclaration, le terme de « devoir » ait été préféré à celui plus étroit d’ « obligation » .
La créancière de ces obligations est l’humanité elle-même, c’est-à-dire l’ensemble des êtres humains, présents et à venir, ainsi que les groupes qui existent au sein de cette humanité.
Le devoir posé à l’article 12, à savoir le devoir de préservation des ressources et du patrimoine par les générations présentes, est de plus en plus mis en exergue par les juridictions et quasi-juridictions internationales. Ainsi, selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, le patrimoine culturel de l’humanité constituant un « témoignage de l’expérience et des aspirations humaines », il doit être « transmis aux générations futures » . Dans le même sens, selon ce Comité, le droit à l’eau doit être « exercé dans des conditions de durabilité, afin que les générations actuelles et futures puissent en bénéficier » . Ces analyses rejoignent celles de la Cour internationale de justice dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros qui, à l’occasion d’un obiter dictum désormais célèbre, affirmait : « L’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir » .
Le champ d’application de l’article 12 est large : les obligations en cause concernent à la fois les ressources, les équilibres écologiques et le patrimoine commun ou mondial. Les rédacteurs de la Déclaration avaient, dans un premier temps, envisagé d’employer la notion de « ressources vitales » ; si celle de « ressources » lui a été préférée, c’est parce qu’elle est plus englobante. Bien que très utilisée en droit de l’environnement, la notion de ressources naturelles n’a pas été précisément définie . La définition qu’en a donnée la Commission européenne est probablement la plus complète : les ressources naturelles comprennent « les matières premières comme les minéraux, la biomasse et les ressources biologiques ; les milieux comme l’air, l’eau et le sol ; les ressources dynamiques comme le vent, la géothermie, les marées et l’énergie solaire ; et l’espace (surface de terre) » . Tant les ressources renouvelables que non renouvelables sont ainsi prises en compte. Le devoir de préservation de l’article 12 des ressources prend appui sur de nombreux textes du droit international positif, par exemple la Convention relative à la protection des ressources naturelles et de l’environnement de la région du Pacifique Sud.
Dans l’article 12, cependant, la nature n’est pas appréhendée de manière partielle mais comme un tout : outre les ressources, cet article prend aussi en compte plus largement « les équilibres écologiques ». Cette dernière notion renvoie à l’environmental stewardship, c’est-à-dire au devoir qu’a l’humanité, compte tenu de son empreinte écologique, de bien gérer, durablement, les écosystèmes dont elle hérite et qu’elle lègue aux générations futures . L’importance des équilibres écologiques est rappelée dans plusieurs textes internationaux (notamment dans le préambule de la Convention OSPAR) et nationaux (par exemple, en France, dans le préambule de la Charte de l’environnement).
Pour apprécier l’équilibre écologique et la « santé des écosystèmes », trois critères ont été proposés par les écologues : la vigueur de l’écosystème (c’est-à-dire une mesure de l’activité de l’écosystème ), son organisation (c’est-à-dire le nombre et la diversité des interactions entre ses composantes) et sa résilience (c’est-à-dire sa capacité à retrouver sa structure et ses fonctions après un stress). Il convient toutefois de se garder d’une approche fixe des équilibres écologiques : la capacité d’évolution des écosystèmes doit aussi être prise en compte .
Par ailleurs, l’article 12 protège les deux types de patrimoines de l’humanité, à savoir le patrimoine commun et le patrimoine mondial. Le patrimoine commun concerne les espaces internationaux déclarés comme tels (la Zone, la Lune en particulier) ; ces espaces ne peuvent faire l’objet d’une appropriation étatique. Le patrimoine mondial de l’humanité, pour sa part, concerne des biens, savoir-faire, etc. à transmettre aux générations futures. Ce patrimoine se trouve sur des territoires étatiques et l’Etat du territoire est au premier chef responsable de sa gestion. Sont protégés aussi bien le patrimoine naturel que culturel ; de plus, s’agissant de ce dernier, tant le patrimoine matériel que le patrimoine immatériel sont pris en compte. La protection s’étend aux temps de paix comme aux temps de guerre .
Toutefois, la protection de l’article 12 n’est pas limitée au patrimoine de l’humanité mais se veut plus large : alors que dans une première version de la Déclaration, l’article 12 évoquait le patrimoine « de l’humanité », cette mention a été supprimée de manière à inclure d’autres formes de patrimoine, par exemple le « patrimoine commun des peuples » ou encore le « patrimoine commun de la nation » qui est consacré notamment dans le droit français .
L’obligation posée à l’article 12 consiste en la préservation du « legs » que constituent les ressources, les équilibres écologiques et le patrimoine. Aux fins de cet article, la génération présente n’est pas propriétaire des ressources ou du patrimoine, mais en est seulement gestionnaire. L’approche est intergénérationnelle : il s’agit de répondre « aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » . Le mécanisme juridique qui sous-tend cet article peut être rapproché, -sans y être identifié totalement car il ne peut être pensé en termes de droit réels -, à l’usufruit, au trust ou encore à la fiducie .
L’usage des ressources et du patrimoine doit se faire « avec prudence, responsabilité et équité ». La prudence inclut à la fois la précaution et la prévention. L’une et l’autre ont « en commun de situer l’action à entreprendre avant la matérialisation du risque » ; toutefois, alors que la prévention concerne les risques avérés, la précaution vise les risques incertains susceptibles de causer des dommages graves ou irréversibles. A cet égard, le Tribunal international du droit de la mer a rappelé que « la mise en œuvre de l’approche de précaution (…) fait partie intégrante des obligations incombant aux Etats qui patronnent » dans la Zone (c’est-à-dire les fonds marins considérés comme le patrimoine commun de l’humanité) . La prudence implique notamment de procéder à une évaluation de l’impact potentiel d’une activité envisagée sur les ressources, équilibres écologiques et patrimoines.
La responsabilité et l’équité vont de pair. Ces deux notions sont précisées dans l’article premier de la Déclaration ; elles renvoient notamment au principe de responsabilité commune mais différenciée. Ce principe implique, pour apprécier la charge respective reposant sur les sujets et acteurs, de tenir compte de la diversité de leurs situations, de leur responsabilité présente et passée ou, encore, de leurs moyens. Il établit ainsi des espaces normatifs à « plusieurs vitesses », une « polychronie » pour reprendre les analyses de Mireille Delmas-Marty .
L’article 12 constitue également une invitation au développement de la responsabilité sociale des entreprises et des organisations (RSE/RSO) : il incite les sociétés, autorités locales, etc. à aller au-delà du cadre juridique pour mieux protéger l’environnement par des mesures volontaires. L’objectif de cet article est ainsi de concrétiser le précepte d’Hans Jonas : « Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre » .

LES PACTES MONDIAUX ET L’ENVIRONNEMENT Les initiatives de la société civile

Conférence-Débat

Sous l’égide de l’Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne
(CNRS / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Parrainé p
ar la SFDE et Climalex.

Organisée par Catherine LE BRIS et Marta TORRE-SCHAUB

Le 4 avril 2019, de 17h à 19 h

Salle 6, Galerie Soufflot, 12 Place du Panthéon, 75005 Paris

Inscription obligatoire: Seminairepactes2019@gmail.com

Programme de la Conférence:

Débats introduits et animés par MARTA TORRE-SCHAUB ET CATHERINE LE BRIS

Avec les interventions de:

CORINNE LEPAGE ET CHRISTIAN HUGLO, Cabinet Huglo Lepage, La déclaration des droits de l’Humanité

MICHEL PRIEUR, CIDC Le Pacte des droits de l’homme et l’environnement

YANN AGUILA, Le Club des juristes, Le projet de pacte Mondial pour l’environnement

LUCIEN CHABASON ET ELIZABETH HEGE, Iddri, Etat des négociations du Pacte Mondial de l’environnement : bilan et perspectives